9 oct. 2010

Auteuil à la rencontre de l’Eglise Protestante des Frères Tchèques


Rappelez-vous, fin novembre 2007 une délégation de l’Eglise Protestante des Frères Tchèques (EPFT), sous la houlette du pasteur Helvético-Tchèque Bernard Martin, qui leur servait de guide et d’interprète, était venue à Auteuil, lors d’un déjeuner-débat et d’un culte le dimanche suivant avec comme prédicateur Helena Junova, pasteur d’une paroisse des environs de Kolin, à l’Est de Prague. Les échanges étaient nombreux et sympathiques, de sorte que lorsqu’au début de cette année le pasteur Bernard Martin a repris contact avec notre paroisse pour nous suggérer une réciprocité, notre réponse a tout de suite été positive. Quinze paroissiens d’Auteuil, représentatifs de différentes entités de la paroisse (Conseil Presbytéral, Comité d’Entraide, Etudes & Recherches, Groupe des Jeunes Adultes) ont donc effectué un séjour en République Tchèque du 15 au 20 avril derniers.

A un moment où, dans la foulée du Synode National de Sochaux de 2007, l’Eglise Réformée de France envisage son rapprochement avec l’Eglise Evangélique Luthérienne de France et fait de cette question le thème du prochain Synode Régional, ce voyage d’études tombe à point nommé. En effet, l’Eglise Protestante des Frères Tchèques (EPFT) est issue de l’unification de quatre églises.

Cet article collectif ne sera pas une relation de voyage minutieuse mais juste un raccourci historique et une présentation très ramassée de la situation de cette Eglise sœur ainsi qu’une synthèse très générale des ressentis et des impressions des participants (1).

Les lecteurs  trouveront également sur ce blog les photos et les carnets de voyage des cinq groupes constitués par les participants.

Précurseurs de Luther et de Calvin

Les premières tentatives de réforme dans les pays de la couronne Tchèque se sont manifestées dès les lendemains de l’établissement de l’archevêché de Prague à partir de 1344. Elles se sont cristallisées autour de la Chapelle de Bethléem construite en 1391 et regroupant les prêtres de langue tchèque de Prague. Jan Hus, administrateur de la Chapelle de Bethléem à partir de 1402, inspiré par l’anglais John Wyclif, fut la figure de proue de ce mouvement réformateur. Son œuvre majeure, « De Ecclesia », était un brulot contre la papauté
et l’avait conduit tout droit au bûcher en 1415, suite à une condamnation comme hérétique par le concile de Constance.

Mais son programme et sa théologie lui survécurent et constituèrent la base de la première Réforme en Europe. Connus sous le nom des « Quatre articles pragois », ils préconisent la libre proclamation de la Parole de Dieu, la communion de tous sous les deux espèces (le pain et le calice pour tous selon la manière ancienne supprimée par le 4è concile de Latran en 1215), la fin de la puissance temporelle de l’Eglise et la justice exercée sur tous (abandon de l’immunité du clergé).

Le martyr de Jan Hus n’avait fait que propager les idées de la Réforme. Tout le pays était devenu hussite. Les croisades de Rome furent défaites par les armées hussites qui poussèrent leur contre-attaque bien au-delà des terres de la Bohême-Moravie. L’impulsion initiale donnée par Jan Hus fut prolongée lors de la deuxième moitié du 15è siècle et atteint son apogée à travers l’Unité des Frères Tchèques, dont Comenius (1592-1670) fut la personnalité la plus marquante.

Une succession interminable de persécutions

Toutefois, les contradictions internes au mouvement de la Réforme en pays tchèques suscitèrent un affaiblissement et facilitèrent la contre-réforme. Celle-ci s’est amplifiée avec l’avènement des Habsbourg en 1526 sur le trône tchèque. L’échec de l’insurrection de 1618 et la Guerre de Trente Ans (1618-1648) ont achevé d’asphyxier la réforme tchèque. « L’Epoque des ténèbres », celle des persécutions, des bannissements, des conversions forcées et de l’occupation par des étrangers de la Nation Tchèque à 90% protestante, dura plus de 160 ans, à l’issue desquels il resta moins de 80 000 Protestants clandestins en Bohême-Moravie.

En 1781, l’empereur Joseph II, influencé par les Lumières, promulgua à leur intention l’Edit de Tolérance. Celui-ci ne permettait, cependant, « que » l’exercice des confessions protestantes officiellement reconnues dans l’empire: celle d’Augsburg et celle de Calvin et interdisait la référence aux anciens Hussites et aux Frères. Tout au long du 19è siècle fut mené un combat pour la renaissance nationale tchèque qui portait aussi en filigrane le « réveil » du protestantisme tchèque. La pleine liberté religieuse ne fut acquise qu’à l’issue de la Première
Guerre Mondiale en 1918 lors de la fondation de la République Tchécoslovaque dont le premier chef d’Etat Tomas Masaryk est issu de l’intelligentsia protestante.

Toutefois, l’indépendance n’a duré que 20 ans. L’invasion hitlérienne puis le communisme ont imposé aux tchèques et aux protestants une nouvelle série d’épreuves. A partir de 1948, le contrôle de « la classe ouvrière sous la direction du parti communiste » était omniprésent dans tous les aspects de la vie de la société. Autre époque mais même combat, il fallait à nouveau préserver l’intégrité de la Nation tchèque et l’identité de l’Eglise. Jan Palach, le jeune étudiant qui s’immola en janvier 1969 suite à la répression du Printemps de Prague était un membre de l’Eglise des Frères Tchèques. Comme nombre de chrétiens, les Protestants s’engagèrent de diverses manières dans la révolution de velours qui mit un terme en 1990 au pouvoir pro-soviétique et qui restaura les libertés religieuses.

Précurseur dans l’unification des Eglises

L’indépendance nationale regagnée en 1918 à la chute des Habsbourg a été le toile de fond et l’occasion pour unifier les églises protestantes. L’unification de l’Eglise réformée (126 000 membres à l’époque) et de l’Eglise Luthérienne (34 000 membres) a donc été réalisée à l’assemblée générale des Protestants tchèques en décembre 1918. La référence à l’ancienne tradition réformée tchèque a été préservée dans la nouvelle dénomination retenue : Eglise Protestante des Frères Tchèques (EPFT). Le calice de la tradition hussite posé sur la Bible (symbole de l’Unité des Frères) devint l’emblème de l’Eglise unie. Au cours des dix premières années de l’EPFT et de l’indépendance nationale, 100 000 tchèques quittèrent le catholicisme associé aux Habsbourg et portèrent le nombre des Frères Protestants à 250 000. Chiffre qui s’élevait même jusqu’à 325 000 en 1938 à la veille de l’occupation hitlérienne.

L’EPFT adopta le système presbytéro-synodal. Aujourd’hui, elle compte 193 000 membres, soit la plus importante église protestante en République Tchèque. Il existe 13 régions d’une vingtaine de paroisses chacune, soit 267 paroisses et 247 pasteurs. Depuis l’époque communiste, l’Etat paie le même salaire à tous les ecclésiastiques. La liturgie adoptée semble très dépouillée et concentrée sur la Parole, lecture de la Bible et prédication. La Sainte-Cène n’est célébrée que lors des fêtes et grandes occasions.

Le Conseil Synodal, l’organe national, est composé de trois pasteurs et de trois laïcs. Son siège est à la « Maison de Jan Hus », au centre de Prague, qui outre une librairie, une maison d’édition et une salle de théâtre comporte un centre d’hébergement où la délégation d’Auteuil a logé durant son séjour dans la capitale.

Le périple des réformés d’Auteuil

En effet, la tournée d’Auteuil en République Tchèque incluait une composante pragoise et une excursion en provinces. A Prague, une réunion avec 3 représentants du synode national a eu lieu. L’EPFT a une relation de coopération avec l’ERF depuis 2001. La discussion et les présentations tournaient autour de l’union avec les Luthériens, des rapports avec les catholiques, de l’œcuménisme qui est très actif à tous les niveaux, notamment dans les aumôneries militaires.

La visite de la ville a été également un moment fort. Surnommée « la cité aux cent clochers », Prague ne manque pas de lieux de cultes aussi sublimes les uns que les autres. Mais la délégation s’est concentrée sur les hauts lieux de la Réforme tchèque. Une étape importante était la visite guidée par le Pasteur Benes, ministre de la paroisse Salvator, le plus grand temple de l’EPFT où se tiennent assemblées générales et les assemblées œcuméniques. Les quinze paroissiens d’Auteuil se sont aussi essaimés en région. Cinq groupes (2) ont été constitués et "délicatement déposés", selon le mot du Pasteur Bernard Martin, tout le long de la voie ferrée vers l'Est et le Sud du pays. Ce qui a permis à Auteuil de couvrir le territoire tchèque des environs de Prague jusqu’aux Monts des Sudètes, tout près de la frontière polonaise, et vers le Sud à la lisière de l’Autriche.

Ce fut une très belle occasion de rencontrer les églises locales dont vous trouverez sur ce blog les détails. L’accueil des ministres et des paroissiens était plein de fraternité, de chaleur et de convivialité mais aussi de spiritualité. Car au-delà des réunions de présentation, des visites des œuvres diaconales ou des partages de repas, chaque délégation participait au culte du dimanche en officiant avec le Pasteur de la paroisse et, en particulier, en délivrant la prédication autour des textes du jour.

Pour la plupart, une expérience rarissime de prêcher (à partir des Actes 5, de l’Apocalypse 5 et de Jean 21) et en plus devant un auditoire tchèque ! Mais visiblement, la traduction alternée des pasteurs, versés un peu-voire beaucoup- dans le français, du fait de leur formation, partiellement à Strasbourg ou en Suisse, a été efficace… surtout si l’on a réussi à éviter, à force de travail nocturne la veille, de confondre « filet » (plein de poissons) et « filet/faux-filet » de bœuf !

Toutes les régions et villes visitées étaient chargées d’histoire tant du point de vue national que religieux. Eglises, monuments, « Déserts », musées. Et c’est de cette façon qu’on a touché du doigt l’histoire longue et douloureuse du peuple et des protestants tchèques et qu’on a marché sur la trace et dans le souvenir des personnalités et des héros anonymes de la Réforme tchèque.

Aucun doute, cette pérégrination en terres tchèques fut très enrichissante pour chacune et chacun des participants d’Auteuil. Au-delà de l’intérêt d’avoir un peu appris sur place de l’histoire, de l’expérience et du vécu de l’EPTF, ce fut une opportunité exceptionnelle de rencontres fraternelles et authentiques entre enfants de la Réforme.

Le plus beau pont que nous avons vu en République Tchèque n’est pas le Pont Charles à Prague mais le pont qui a été établi entre notre paroisse et l’Eglise des Frères Tchèques. Nous ne pouvons qu’être reconnaissants pour cette grâce !

(1) Christian Barbéry, Mathieu Cron, Isabelle Duvaux-Béchon, Ania Faillant, Monique Galabert, Isabelle Herdner, Françoise Ledey, Marc Muller, Eric Rabarison, Nanie & Jaona Ravaloson, Béryl & Jean-Jacques Veillet, Faustin Villedieu, Philippe Vogt

(2) Cinq destinations différentes : Jihlava, Predhradi, Dvur Kralove, Horni Cermna et Sumperk

Album photo Prague




























Week-end à Jihlava

Outre un volet pragois très dense, le voyage des paroissiens d’Auteuil à la rencontre des protestants tchèques du 15 au 21 avril comportait également une composante Tchéquie profonde, le temps d’un week-end.  
Des cinq groupes constitués pour couvrir le territoire, le nôtre (composé de Marc Muller, Faustin Villedieu, Nanie et Jaona Ravaloson) est le seul à ne pas avoir une destination située sur la ligne de chemin de fer Prague-Vladivostok. Nous avons été plutôt été dirigés ce vendredi après-midi du 16 avril vers le Sud, en direction de Jihlava, à deux/trois heures de Prague par le train puis en voiture.  
Chef-lieu de la préfecture de région de Vysocina, limitrophe de la frontière autrichienne, et pas très loin de la localité morave de Slavkov u Brno (plus connue par les fans de Napoléon sous le nom d’Austerlitz), Jihlava est traversée par une rivière éponyme, ligne de démarcation, semble-t-il, entre la Bohême et la Moravie. Ville minière au Moyen Age (exploitation de l’argent) puis manufacturière (textile) sous l’empire austro-hongrois et, enfin, industrielle (aujourd’hui une des plus grandes implantations en Europe Centrale de l’équipementier automobile Bosch), Jihlava (nom allemand : Iglau) était caractérisée par la grande mixité de sa population jusque dans les années 30 (1/3 tchèques, 1/3 juifs et 1/3 allemands). Les affres de l’hitlérisme ont mis un terme à la présence de la communauté juive et l’issue de la seconde guerre mondiale s’est traduite par l’expulsion des allemands. De nos jours, Jihlava compte 52 000 habitants. Elle ne manque pas de caractère sur le plan architectural avec les vestiges de l’ancienne fortification médiévale, notamment, une tour qui accueille le musée municipal et des galeries souterraines, des maisons bourgeoises avec des voûtes et arcades gothiques dont une abritant le musée Gustav Mahler puisque se trouvant être le lieu où le compositeur (1860-1911) a passé son enfance et sa prime jeunesse, des édifices religieux (l’église Saint-Jacques et l’église jésuite de style baroque Saint-Ignace). La place centrale rectangulaire de Jihlava est somptueuse, entourée de bâtisses historiques, sauf qu’en plein milieu une verrue a été construite pendant la période communiste et abrite un centre commercial et le McDo.  
C’est le Pasteur Jan Kerkovsky, ministre de l’Eglise Protestante des Frères Tchèques de Jihlava, par ailleurs président du synode régional, qui nous a accueillis à la gare et nous a fait découvrir la ville. Ceci une fois qu’on a pris possession de nos chambres dans une maison située à 15mn du centre ville, entretenue et équipée par des paroissiens voisins (la famille Rychnovsky) et qui sert de centre d’hébergement pour les visiteurs de la paroisse. Quinze jours auparavant, la paroisse recevait des hollandais.  
Nous avons terminé  la première soirée à Jihlava dans un restaurant… italien, a priori l’une des meilleures tables de la ville, sous les arcades de la place centrale. Seul le Pasteur Kerkovsky était en notre compagnie car sa fille ainée, Tereza, donnait, ce soir-là, un récital de piano auquel assistait le reste de la famille.  
La journée du lendemain a démarré par un petit déjeuner chez la famille Rychnovsky. Le petit déjeuner était copieux, comme il est de tradition ici, et les conversations animées et … multilingues. Karel, le mari, parle un petit peu français, pour avoir déjà visité le sud de la France, il y a quelques temps déjà. En revanche, Ester, sa femme, parle allemand et leur fille, Eva (étudiante en musique à Prague, en week-end comme nous à Jihlava) anglais.  
Ensuite, le Pasteur Kerkovsky nous a prévu, pour la journée, une visite de hauts lieux historiques et religieux de la région, qui nous a amenés pratiquement près de la frontière avec l’Autriche, à travers des paysages de collines, de forêts et de champs. Nous avons été gratifiés de la visite de deux sites importants : Telc et Velka Lhota. 
Magnifique petite ville de 6 000 habitants, Telc est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Remontant au 14è siècle, elle a comme particularité d’être une ville forteresse d’eau (défendue non par de hautes murailles mais par une étendue d’eau qui entoure la ville). Son château fort Renaissance était à l’origine de style gothique. Sa très belle place centrale rectangulaire, excellemment conservée, est entourée d’arcades avec des constructions dont les pignons sont de style Renaissance et baroque. Nous avons été reçus à la paroisse locale de l’Eglise des Frères Tchèques par des membres du conseil presbytéral dont Madame Eva Melmukova, une érudite passionnée et passionnante, professeur émérite d’histoire et membre de la Société Européenne d’Histoire du Protestantisme. Parlant très bien le français, elle nous a entretenu longuement de l’évolution du protestantisme en Bohême-Moravie et dans cette région et nous a accompagnés dans la visite de Telc et des environs, où les lieux de mémoire ne sont pas rares. 
En particulier, elle nous a fait découvrir, à quelques kilomètres de Telc, la bourgade de Velka Lhota, (où son fils est pasteur) une aire évangélique de tolérance, la seule commune dans les pays tchèques à posséder deux temples et deux presbytères protestants voisins (un luthérien et un protestant). Cette curiosité tenait au fait que l’Edit de Tolérance de l’Empereur Joseph II en 1781 ne fut pas proclamé publiquement et que les protestants de la région pensaient au départ que la confession luthérienne était la seule autorisée. Ce n’était que six ans après qu’ils apprirent la possibilité de pratiquer aussi la confession réformée. D’où la construction successive de deux temples qui, depuis 1918 (rapprochement luthéro-réformé), font partie de la même paroisse de l’Eglise Protestante des Frères Tchèques. L’un des deux temples comporte un musée consacré à la Réforme Tchèque et l’un des presbytères une bibliothèque avec des archives d’époque dont une très vieille bible, l’une des premières en langue tchèque. 
Après cette escapade historique sous une journée ensoleillée, nous sommes revenus en soirée à Jihlava où la famille du Pasteur Kerkovsky (sa femme Jana et leurs trois filles Tereza, Noemi et Eliska), les membres du conseil presbytéral et d’autres responsables de la paroisse nous attendaient pour une rencontre pleine de convivialité et d’échanges autour d’un buffet tchèque. Celui-ci fut arrosé d’une bière, non pas le fameux Pilsen national tchèque mais la bière de Jihlava. La brasserie locale se trouve en face du presbytère. L’approvisionnement en ce breuvage ne transitait donc pas par le supermarché mais se faisait directement dans des carafes remplies à partir des tonneaux de la brasserie. C’est çà aussi le rapprochement luthéro-réformé ! 
Le dimanche, le culte commençait à 10 heures. Le temple, de style néo-gothique datant de 1878, porte le nom de l’Apôtre Paul, mais en référence aussi à Paulus Speratus, un réformateur luthérien allemand, un des premiers prédicateurs luthériens dans le pays (1522-1523). Les cantiques étaient les mêmes que chez nous. On n’était nullement dépaysé ! Selon le programme convenu pour cette visite d’Auteuil en République Tchèque, la prédication était sur les textes du jour (Les Actes des Apôtres 5.27-41, Apocalypse 5.11-14 et Jean 21.1-19). Le Christ, mort sur la croix, est bien ressuscité. Un Christ qui nous fait désormais confiance et nous confie une mission, en dépit de nos imperfections et de nos reniements : annoncer la bonne nouvelle de la résurrection, nourrir les autres du pain de son Amour et des poissons spirituels de sa Parole. Ceci fut délivré en français avec une traduction alternée en tchèque par le Pasteur Kerkovsky dont la maîtrise du français est parfaite (grâce à des études effectuées à Strasbourg, renforcées par un séjour à Lausanne).  
Après le culte, le Pasteur Kerkovsky devait officier dans un second lieu à la campagne rattaché  à la paroisse de Jihlava. La délégation d’Auteuil, sous la houlette des jeunes de la paroisse, est allée pour sa part visiter le musée de la ville sis dans la vieille tour. Ensuite, une rencontre avec tous les paroissiens s’est tenue dans la salle de réunion où une présentation de l’ERF Auteuil et du protestantisme français a été faite, en anglais car Robert, le traducteur désigné, ne parle que cette langue. Ce fut l’occasion aussi pour nous de mieux connaître la paroisse de Jihlava qui compte 490 membres, avec ses différentes activités et entités. Ces échanges durèrent jusqu’au moment où il fallait se séparer pour reprendre le train vers Prague.  
Inutile de dire l’émotion et la joie suscitées par ces rencontres avec les sœurs et les frères tchèques de Jihlava et d’ailleurs qui nous ont entouré de la chaleur et de la simplicité de leur accueil. Bien évidemment, nous sommes convenus avec eux de poursuivre et d’entretenir les relations établies le temps d’un week-end. Epistolairement, par internet et plus, puisqu’il y a affinité. On s’est mis, par exemple, d’accord avec le Pasteur et le webmaster du site internet de la paroisse, Thomas Volf, un membre du groupe des jeunes, d’établir un lien entre nos deux sites internet. C’est un premier pas, il y en aura d’autres.  

Album photo Jihlava















Week-end à Pfedhradi

Ne cherchez pas sur une carte le nom de Pfedhradi, vous ne le trouverez pas. C’est un tout petit village. 200 habitants tout au plus. Pourquoi aller là-bas ? Parce qu’il y a une paroisse de l’église évangélique des Frères tchèques et son pasteur Héléna Junova. Elle connaît bien la France. Elle était venue à Auteuil l’année dernière et elle tenait à nous recevoir Matthieu et moi. Ce fut chose faîte. Sur le quai de la gare de Kolin, elle nous attendait et ce furent de grandes embrassades comme si on se connaissait depuis toujours.
Nous prenons la voiture et en route pour… Pfedhradi. Le presbytère où nous logeons se situe à côté du temple, un édifice modeste qui a plutôt l’allure d’une école. C’était d’ailleurs autrefois l’école protestante apprendrons-nous plus tard…Au fronton, pas de croix mais le fameux « calice », signe de reconnaissance des protestants qui rappelle que Jean Huss avait obtenu du pape pour ses fidèles la communion sous les deux espèces (pain et vin).
A l’intérieur quelques paroissiens nous attendent pour une présentation de l’Eglise réformée de France. Après mon exposé, beaucoup de questions et ce constat : « mais vous parlez de nous ! ».  Entre les réformés de France et de République Tchèque, c’est la même histoire (souvent douloureuse), une minorité (1 à 2 % de la population), une Eglise face aux mêmes défis (sécularisation, athéisme, etc).
Le lendemain, pas le temps de faire la grasse matinée (on se lève tôt là-bas), départ pour la petite ville voisine de Nymburk. Une brume legère filtre le jour du petit matin. Un ensoleillement franc viendra dans l’après-midi. Au temple de Nymburk se tient une réunion des Présidents de Conseils des paroisses de la région. Nous sommes accueillis avec les traditionnelles « tartines » et gâteaux. On boit le thé. L’atmosphère est chaleureuse. Discussion avec les jeunes réunis dans la salle voisine pour préparer le camp d’été. « Pourquoi ne pas faire un camp en France ? » Des contacts sont échangés, des lieux envisagés dans le Sud et peut-être une étape à Paris. Il y a ici une jeunesse très désireuse de rencontrer d’autres jeunes des Eglises d’Europe. Nous nous quittons avec la ferme intention de se revoir cet été. Mais notre voiture peine à redémarrer. C’est la panne. Plus de batterie. Il faudra une bonne heure d’attente avant de pouvoir enfin repartir.

Déjeuner dans un restaurant. Nous voulons manger la spécialité du chef. Héléna s’assure en cuisine qu’il en reste encore pour les parisiens. On la prépare, déclare t-elle avec un grand sourire. L’après-midi, visite de la ville de Kutna Hora. On l’appelle la petite Prague, riche et pauvre à la fois dont l’heure de gloire remonte à quelques siècles en arrière et, qui sait, pourrait peut être bien revenir, grâce ou à cause des touristes.  Mais pour le moment la ville sommeille. Quel péché provoqua sa ruine au profit de Prague ? L’histoire est passée par là. Une basilique domine majestueusement les maisons du centre. Il fait bon marcher dans ces rues médiévales. Le temps semble s’écouler lentement. Mais il faut partir. Un concert nous attend à Kolin. Le temple est plein pour entendre une chorale paroissiale venue de Pragu. Elle interprète du Palestrina et Allegri mais aussi des Psaumes de Goudimel et des cantiques. Tiens, ils chantent les mêmes cantiques que nous !
Nous quittons Kolin avec cette musique en tête. Héléna nous fait visiter son territoire paroissial : une belle campagne. Les champs descendent en pentes douces. La route sinue avec lenteur entre des haies. Quelques maisons ici et là. La nuit tombe. Retour au presbytère. la soirée s’annonce joyeuse avec toute la famille Junova. On chante un cantique avant de se mettre à table. On prie après. On boit aussi du vin tchèque et de l’eau de vie. Pour digérer, petite promenade. Matthieu m’accompagne au bord du lac. La marche à l’air libre prédispose à la pensée et ouvre les cœurs aux confessions. Il soude  l’amitié que porte le pasteur à son paroissien. Un petit cigare,  et puis nous partons au lit.
Dimanche matin au temple, la petite assemblée dominicale des protestants se réunit à l’heure canonique de 9 h. Le pasteur a bien essayé de repousser le culte à 10 h mais le Conseil n’a pas été d’accord. On ne sait jamais, plus tard, le dieu pourrait s’absenter, ne plus entendre les prières… Côté chœur : une simplicité toute protestante dans l’ornementation : une Bible, quelques fleurs, une nappe sur la table de communion, un pasteur en robe. Côté nef : des visages attachants, bienveillants. Le mari du pasteur tient l’harmonium. On chante beaucoup. Des psaumes et des cantiques. Nous entendons lire des prières liturgiques sans trop y comprendre, mais la liturgie heureusement pour nous est courte. Zwingli serait-il venu jusqu’ici ? Je prêche en français sur l’évangile de la pêche miraculeuse. Héléna traduit mes paroles. On termine le culte en chantant  « A toi la Gloire » dans sa langue maternelle. Pas question de partir le ventre vide, dans la salle paroissiale nous attendent les incontournables « tartines » et gâteaux. Malgré la barrière de la langue, on a l’impression d’être de la même famille. Ne serait-ce pas cela un peu l’Eglise universelle ?

Repas chez le pasteur. Nous déjeunons autour d’un superbe Goulash préparé par Héléna et ses filles à la manière tchèque. Puis c’est le moment du départ. Un peu triste, notre trio se rend à la gare. Comment ne pas remercier Héléna , son mari, leurs enfants et les paroissiens de Pfedhradi pour cet accueil si chaleureux.

Christian Barbéry
Matthieu Cron

Album photo Pfedhradi

Week-end à Dvur Kralove

Nous étions reçus, Béryl Veillet (prédicateur), Jean-Jacques son mari et moi même par le pasteur Vojen  SYTROVATKA qui nous attendait à l’arrivée du train à PARDUBICE vers 16 h. Il nous a emmené tout de suite dans la paroisse qu’il est en train de quitter (pour sa retraite) à DVUR  KRALOVE nad Labem. Pour nous faire visiter tout de suite la maison de retraite qu’ils ont construit avec les paroissiens, au début sans aide extérieure et qu’ils ont pu agrandir pour accueillir une maison médicalisée et ensuite une partie réservée à la maladie d’Alzheimer.

Le directeur (un protestant de la paroisse) était là pour donner toutes les explications et Béryl lui a posé beaucoup de questions sur le fonctionnement et les rapports avec l’administration et les aides. Nous avons fait le tour des bâtiments et surtout sommes entrés dans la chambre d’une pensionnaire nonagénaire qui nous attendait et était toute fière de nous parler (en tchèque) et de nous montrer sa chambre.

Nous avons appris que Dorkas, la femme de Vojen travaille dans cette maison comme directrice des soins.
Après cette visite nous sommes allés dîner au restaurant avec Vojen (très bonne goulash) avant de participer à une réunion œcuménique pendant laquelle nous devions nous présenter et répondre aux questions.
Première surprise pour nous qui sortions de table, un buffet nous attendait.

Après quelques mots du pasteur, Béryl a fait la présentation de la paroisse d'Auteuil avec les projections, et la discussion a commencé sur les enfants, les couples mixtes, la déchristianisation, et grosse question sur nos rapports avec les musulmans. N’ayant pas eu de colonies ils n’ont pour ainsi dire pas eu d’immigrés autres que leurs voisins, mais ils se disent que tôt ou tard ils auront des musulmans qui viendront travailler chez eux et se demandent qu’elle attitude adopter avec eux (ils voient aussi la télévision qui montre les problèmes en France (jeunes de banlieue et voile ou burka). Après cette discussion chaleureuse et intéressante. Nous sommes repartis pour 50 Km de voiture pour la nouvelle maison de Vojen qu’il a arrangée pour sa retraite à SEC.

Cette maison a une histoire, puisque c’est son père qui l’a construite (il avait une entreprise d’électricité), mais quand le communisme est arrivé, d’abord intéressé par ces idées nouvelles il a vite reculé devant la dictature et dit ce qu’il pensait, il a été arrêté et ses biens confisqués.

Après la révolution de velours les biens ont étés restitués à la famille et Vojen a retapé petit à petit cette maison.
Il a déménagé petit à petit et doit finir la semaine prochaine. Nous avons découvert le lendemain matin  que nous étions sur une colline entourée de sapins avec une vue magnifique sur un lac artificiel. Nous avons fait connaissance de sa femme Dorkas qui ne parle pas le français et d’une de ses filles, Abigaël, qui est professeur de français à Prague et était venue, avec ses 2 filles, pour aider son père comme interprète. Elle parle effectivement très bien français. Nous avons eu un très bon petit déjeuner avec de jolies tartines décorées de jambon roulé, fine tranche de fromage et crème.

Nous sommes partis, ce samedi matin dans la voiture de Vojen faire un peu de tourisme. L’ancien village du Moyen-Age étant encore en travaux, nous sommes allés directement à CHRUDIM, très jolie petite ville fortifiée avec une  grande place de marché, avec des arcades et un très beau musée de marionnettes de tous les pays et aussi les marionnettes typiques tchèques dans une très ancienne maison. Après le tour des remparts, nous avons très bien déjeuné dans un petit restaurant très calme et sommes repartis voir la paroisse où nous irons dimanche et s’entendre avec Ruth la femme pasteur qui a en charge la paroisse avec son mari, celui-ci était pris ce dimanche là dans un autre lieu. C’est un presbytère au bord du village avec jardin et cheval pour Monsieur. Les 2 enfants, adolescents très sympathiques, posant des questions (en anglais). Nous ne sommes pas restés trop longtemps car Ruth fêtait ses 50 ans, avec la paroisse, le soir. Elle était bien contente de ne pas avoir à préparer la prédication pour le lendemain, car c’est Béryl qui l’assurait. Et Vojen s’occupait de la liturgie (avec beaucoup de cantiques). Nous sommes partis voir ensuite les ruines d’un château, bien situé sur une colline, avec une vue magnifique et très dégagée, dans lequel est venu séjourner le roi Charles IV et une reine …. … et il faisait toujours un temps magnifique.

Nous sommes rentrés tranquillement. Dorkas (la femme de Vojen) nous avait préparé un très bon dîner, celui qu’ils prennent au 1er janvier. Une escalope pannée et plusieurs salades différentes toute aussi bonnes les unes que les autres.
Au cours du dîner nous avons regardé la télévision car on parlait déjà du nuage Islandais, et nous avons vu les photos d’une petite fille grièvement brûlée ; elle fait partie d’une famille de tsiganes, sédentarisée et un skinhead avait mis le feu à leur appartement, ce qui avait fait scandale et la conversation a tourné autour ce ces « Tsiganes, Gitans, ou Romanichels ou Rom , savoir comment on les accueillait en France, si on arrivait à les sédentariser, de quoi vivaient-ils, de Saint-Marie de la Mer, de Lourdes, des tsiganes évangéliques. Nous nous sommes retirés de bonne heure dans nos chambres pendant que Vojen s’attaquait à la traduction de la prédication de Béryl pour le lendemain.

Dimanche matin, bien habillés nous sommes partis pour le culte à HRADISTE (avec accent circonflexe inversé sur le I et le E) très joli temple en bordure de village avec cimetière bien fleuri accolé (moitié protestant, moitié catholique). Il y avait une assemblée assez nombreuse, et assez jeune que nous avons retrouvée après le culte autour d’un buffet et d’un moment de partage. Le culte s’est bien passé, les psaumes ou cantiques connus (pas facile de chanter les paroles tchèques) accompagnés à l’orgue, sauf un qui l’était à la guitare.  

Le moment de partage très sympathique, beaucoup de questions sur l’œcuménisme (ils n’ont pour ainsi pas d’orthodoxes), les musulmans, …
Retour chez Vojen où un bon déjeuner nous attendait avec le plat typique : goulash avec des tranches de knedlikg très bien présenté dans une assiette avec un petit tas de crème et des airelles ou groseilles dessus, accompagné d’une bonne bière blonde.

Il faisait tellement beau que nous avons fait une dernière ballade rapide avec Abigaël et sa fille aînée autour du lac, jusqu’ après le barrage et grimper jusqu’aux ruines d’un château avec vue extraordinaire sur le lac (il devait surveiller la rivière, avec un défilé à l’emplacement du barrage).

Il était temps de reprendre le train pour Prague et retrouver les autres groupes avec chacun ses expériences.

Album photo Dvur Kralove

Week-end à Horni Cermna

                                     

QUARANTE HUIT HEURES A HORNI CERMNA, DANS LA BOHEME PROFONDE,
CHEZ JAKUB ET TEREZA KELLER, 
       AVEC LE PASTEUR BERNARD MARTIN, PHILIPPE VOGT, ERIC RABARISON
 ET ISABELLE HERDNER

                                                              *   *   * 

Après un premier passage de vingt-quatre heures à Prague, bien employé par une magnifique représentation de "Carmen" à l'Opéra et une visite de la "nouvelle ville" pour nous mettre en appétit pour découvrir le centre ville au retour, notre petit groupe de quinze paroissiens d'Auteuil se dispersent, vendredi après-midi, pour rejoindre chacun sa paroisse d'accueil, "délicatement déposés", comme a dit le Pasteur Martin, tout le long de la voie ferrée vers l'Est du pays ; ce qui nous conduit, le Pasteur Bernard Martin, Philippe Vogt, Eric Rabarison et moi-même, dans les Monts des Sudètes, tout près de la frontière polonaise. A la gare de Ceska Trebova, le Pasteur Jakub Keller nous attend pour nous emmener dans son petit bourg de Horni Cermna où nous allons passer quarante huit heures au sein de sa chaleureuse famille. Son épouse Téréza nous y accueille avec leurs quatre enfants, l'aîné, charmant violoncelliste de 14 ans aux cheveux longs, puis Nicolaus, Dorothée et la petite dernière, l'affectueuse Esther. Le presbytère, tout contre l'église, est une grande et belle maison de plusieurs étages abritant à la fois salles de réunions paroissiales et appartement familial. Yakub est pasteur de cette paroisse depuis douze ans ; il avait été nommé pour dix ans et a été renouvelé il y a deux ans. C'est le conseil presbytéral qui vote sa prolongation ou son remplacement. Il est en charge des deux paroisses d' Horni Cermna et de Lehtorad et prêche souvent deux fois dans la même journée de dimanche.

Ces deux jours passés dans ce petit bourg seront partagés en enrichissantes découvertes dans plusieurs domaines : accueil par les jeunes, rencontres avec l'ensemble de la paroisse et avec une paroisse voisine, et enfin grande journée d'Histoire et de tourisme dans les Monts des Sudètes.

D'abord, donc, accueil à notre arrivée par la famille Keller et par les jeunes qui sont venus nombreux au presbytère, avec le réconfort bien venu, après le voyage en train, d'assiettes bien garnies de charcuteries, fromages et petits gâteaux qui nous seront aussi offertes généreusement tout au long du parcours. Après un tour de table pour faire connaissance, invités français et hôtes tchèques, les jeunes, essentiellement des étudiants, sont fiers de nous présenter leurs activités sous forme, entre autres, de projections d'un camp "d'initiation" qu'ils ont fait récemment en Slovaquie, avec solide porridge au petit déjeuner et mésaventures diverses tout au long des journées. Philippe Vogt leur présente parallèlement la marche que les jeunes protestants organisent vers Meaux tous les ans, marche à laquelle ne participent pas que des protestants d'ailleurs, car des catholiques et des athées se joignent quelque fois à eux ; il  émet le voeu que certains parmi ces jeunes d'Horni Cermna puissent peut-être un jour venir en France pour y participer.
Philippe et Eric présentent ensuite des vidéos sur l'ERF, et sur l'histoire et l'organisation de notre paroisse, avec traduction immédiate. Deux charmantes étudiantes, qui se débrouillent très bien en français, nous aideront très efficacement pendant ces deux jours pour nous servir à plusieurs reprises de guides et d'interprètes.. Eric essaiera de faire venir en France la jeune Mireille qui aimerait bien parfaire ses études en français et en économie.

Dix-huit jeunes de Horni Cermna se joignent chaque année à la grande rencontre des Frères Tchèques à Kolin à laquelle participent 6000 jeunes tchèques.

Et ce sera à l'invitation de la paroisse voisine de Lehtorad  que nous exposerons, le samedi soir, devant une trentaine de personnes dont quelques catholiques, chacun à notre tour, Philippe l'ERF et la paroisse d'Auteuil, Eric la diaconie et moi-même Etudes et Recherche en tant que membre du Comité Directeur, chaque intervention faisant l'objet d'une traduction simultanée par le Pasteur Martin. Ces exposés, écoutés avec intérêt par nos auditeurs, seront suivis de quelques questions de leur part sur le fonctionnement et l'organisation de notre paroisse, entre autres :

.  Auteuil est-elle la seule paroisse protestante de Paris ? Non, elle est une paroisse de quartier.

.  comment nos activités sont-elles financées : par les collectes et dons, et aussi par la vente paroissiale annuelle, moment de rencontre mais aussi d'apport financier appréciable et indispensable, pour l'entraide aussi.

Ce moment d'accueil chaleureux et fraternel se renouvellera dans une salle du presbytère, le lendemain, à l'issue du culte dominical ; nouveaux  exposés de notre part qui donnent lieu à de nouveaux échanges et à des contacts amicaux avec cette paroisse heureuse de notre présence parmi eux. L'office lui-même avait été fait en langue tchèque par le Pasteur Martin devant une assistance nombreuse, avec, comme participation de notre part, les lectures bibliques faites par Philippe et Eric et les prières d'intercession par moi-même, avec traductions simultanées, bien entendu. J'ai eu grand plaisir à essayer de chanter en tchèque les paroles des cantiques dont les mélodies nous étaient d'ailleurs familières.

C'est à l'Histoire religieuse et nationale de cette région que sera consacrée la journée entière du samedi, au cours d'une grande promenade en voiture dans cette magnifique région, pilotés par les Pasteurs Martin et Keller. D'abord un pèlerinage à un Haut Lieu hussite, à Kunwald, dans une belle forêt d'immenses sapins et bouleaux aux fûts impressionnants, où se sont cachés, après la mort de Jan Hus sur le bûcher en 1415, ceux qui allaient fonder en 1457 l'église hussite des "Frères", petit fleuron de pacifistes qui ont maintenu si longtemps et si courageusement le flambeau. Persécutés pendant deux siècles, ils se réunissaient clandestinement, comme les Huguenots français au Désert, pour prier et célébrer leur culte dans ces vallons profonds au fond desquels coulent de nombreux petits ruisseaux. La ferme est encore là où quinze réfugiés se sont cachés au début du 15ème siècle. A l'ombre de ces beaux arbres, une stèle rappelle le souvenir de ces croyants courageux avec cette inscription : "Après 1620, dans cette vallée cachée, dans cette forêt épaisse, les membres de l'Unité des Tchèques se réunissaient secrètement". Et sur le flanc d'une petite colline voisine, un monument à Jan Amos Komensky, connu en Europe sous la forme latine de son nom de Comenius, domine le paysage. Comenius, théologien, philosophe et pédagogue, est après Jan Hus la personnalité la plus marquante et la plus noble de la culture tchèque, élevant les traits essentiels et permanents de celle-ci à la qualité de valeurs universelles. Contraint à l'exil par les persécutions des Habsburg après la défaite de la Montagne Blanche en 1621, il meurt à Amsterdam en 1670. Emouvante marche dans le souvenir d'eux tous.

Puis nous partons vers la région qui borde la frontière polonaise, par des routes de crêtes dominant le très beau paysage des Monts des Sudètes, pour nous plonger dans l'Histoire récente et tragique de cette région. Et là, une surprise nous attendait, ménagée par nos hôtes : majestueusement perchée sur une colline, la grande église baroque de Neratov, "Maria Himmelfahrt in Bärnwald", façade restaurée et joliment peinte en jaune vif mais nef en pierres redevenues apparentes évoquant une destruction. En 1945, en effet, lors de la libération du pays, un soldat Russe, ivre, a jeté une grenade sur la toiture et l'église a en partie brûlé. Cette visite est l'occasion pour nous de constater le désir des Tchèques des Sudètes de faire revivre leur région. Le prêtre de cette église catholique, Joseph Cisar, vient nous raconter comment il a réussi, avec des aides financières diverses, à restaurer la façade puis l'intérieur de la nef de son église dont la toiture, en partie en verre pour l'éclairer, est en cours d'installation. Le résultat est magnifique, large nef toute blanche et très claire, et aussi sobriété de la décoration. Mais il nous dit aussi comment il a redonné vie au village qu'habitaient 3500 Allemands avant leur expulsion en 1945, et où ne restaient alors que 17 tchèques ; comment il a réussi à le repeupler en le transformant en centre d'accueil pour handicapés physiques et mentaux dont s'occupe une population tchèque nouvellement installée. Bel exemple de résurrection dans cette région meurtrie. Sa population allemande avait été implantée là au 17ème siècle, comme tout autour de la Bohême d'alors, pour repeupler le pays décimé par la Guerre de 30 ans ; elle représentait alors 30% de la population totale du pays. Mais à partir de 1933, et par dépit de minorité frustrée, ces Allemands s'étaient trop facilement nazifiés et transformés ensuite en occupants honnis dont se sont vengés les Tchèques en 1945, en les expulsant d'une façon brutale, voire inhumaine. Ces campagnes et collines, à proximité de la frontière polonaise, sont, encore maintenant, presque désertes car l'habitat allemand, déjà éparpillé, y avait été alors détruit et peu de fermes y ont été à nouveau implantées.

Puis une vingtaine de kilomètres parcourus dans la Pologne toute proche nous ramènent dans l'actualité immédiate, une autre tragédie, dont témoignent les nombreux drapeaux polonais en berne avec cravate noire pour le deuil de l'accident d'avion de Smolensk ; mais aussi les nombreuses ruines de fermes et maisons dans la campagne témoignent là aussi d'une histoire douloureuse qui n'a pas encore été dépassée.

Très belle journée, par un temps magnifique mais un peu glacé, beaucoup de plaques de neige encore à l'ombre et encore aucune feuille aux arbres. Et plaisir de nos guides, Bernard et Jakub, de nous faire découvrir et partager l'histoire religieuse et nationale de leur région, dans l'amour qu'ils lui portent et dans la ferveur du souvenir.

Et pour nous nous n'oublierons pas ces deux jours si enrichissants, l'accueil chaleureux de cette famille tchèque et de ces paroisses, tous ces contacts, ces fructueux échanges et  ces bons repas. Et aussi ce ciel si bleu sur ces collines un peu au bout du monde et que nous quittons à regret.


                                                                                       Isabelle Herdner


25 mai 2010 


Album photo Horni Cermna