9 oct. 2010

Week-end à Jihlava

Outre un volet pragois très dense, le voyage des paroissiens d’Auteuil à la rencontre des protestants tchèques du 15 au 21 avril comportait également une composante Tchéquie profonde, le temps d’un week-end.  
Des cinq groupes constitués pour couvrir le territoire, le nôtre (composé de Marc Muller, Faustin Villedieu, Nanie et Jaona Ravaloson) est le seul à ne pas avoir une destination située sur la ligne de chemin de fer Prague-Vladivostok. Nous avons été plutôt été dirigés ce vendredi après-midi du 16 avril vers le Sud, en direction de Jihlava, à deux/trois heures de Prague par le train puis en voiture.  
Chef-lieu de la préfecture de région de Vysocina, limitrophe de la frontière autrichienne, et pas très loin de la localité morave de Slavkov u Brno (plus connue par les fans de Napoléon sous le nom d’Austerlitz), Jihlava est traversée par une rivière éponyme, ligne de démarcation, semble-t-il, entre la Bohême et la Moravie. Ville minière au Moyen Age (exploitation de l’argent) puis manufacturière (textile) sous l’empire austro-hongrois et, enfin, industrielle (aujourd’hui une des plus grandes implantations en Europe Centrale de l’équipementier automobile Bosch), Jihlava (nom allemand : Iglau) était caractérisée par la grande mixité de sa population jusque dans les années 30 (1/3 tchèques, 1/3 juifs et 1/3 allemands). Les affres de l’hitlérisme ont mis un terme à la présence de la communauté juive et l’issue de la seconde guerre mondiale s’est traduite par l’expulsion des allemands. De nos jours, Jihlava compte 52 000 habitants. Elle ne manque pas de caractère sur le plan architectural avec les vestiges de l’ancienne fortification médiévale, notamment, une tour qui accueille le musée municipal et des galeries souterraines, des maisons bourgeoises avec des voûtes et arcades gothiques dont une abritant le musée Gustav Mahler puisque se trouvant être le lieu où le compositeur (1860-1911) a passé son enfance et sa prime jeunesse, des édifices religieux (l’église Saint-Jacques et l’église jésuite de style baroque Saint-Ignace). La place centrale rectangulaire de Jihlava est somptueuse, entourée de bâtisses historiques, sauf qu’en plein milieu une verrue a été construite pendant la période communiste et abrite un centre commercial et le McDo.  
C’est le Pasteur Jan Kerkovsky, ministre de l’Eglise Protestante des Frères Tchèques de Jihlava, par ailleurs président du synode régional, qui nous a accueillis à la gare et nous a fait découvrir la ville. Ceci une fois qu’on a pris possession de nos chambres dans une maison située à 15mn du centre ville, entretenue et équipée par des paroissiens voisins (la famille Rychnovsky) et qui sert de centre d’hébergement pour les visiteurs de la paroisse. Quinze jours auparavant, la paroisse recevait des hollandais.  
Nous avons terminé  la première soirée à Jihlava dans un restaurant… italien, a priori l’une des meilleures tables de la ville, sous les arcades de la place centrale. Seul le Pasteur Kerkovsky était en notre compagnie car sa fille ainée, Tereza, donnait, ce soir-là, un récital de piano auquel assistait le reste de la famille.  
La journée du lendemain a démarré par un petit déjeuner chez la famille Rychnovsky. Le petit déjeuner était copieux, comme il est de tradition ici, et les conversations animées et … multilingues. Karel, le mari, parle un petit peu français, pour avoir déjà visité le sud de la France, il y a quelques temps déjà. En revanche, Ester, sa femme, parle allemand et leur fille, Eva (étudiante en musique à Prague, en week-end comme nous à Jihlava) anglais.  
Ensuite, le Pasteur Kerkovsky nous a prévu, pour la journée, une visite de hauts lieux historiques et religieux de la région, qui nous a amenés pratiquement près de la frontière avec l’Autriche, à travers des paysages de collines, de forêts et de champs. Nous avons été gratifiés de la visite de deux sites importants : Telc et Velka Lhota. 
Magnifique petite ville de 6 000 habitants, Telc est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Remontant au 14è siècle, elle a comme particularité d’être une ville forteresse d’eau (défendue non par de hautes murailles mais par une étendue d’eau qui entoure la ville). Son château fort Renaissance était à l’origine de style gothique. Sa très belle place centrale rectangulaire, excellemment conservée, est entourée d’arcades avec des constructions dont les pignons sont de style Renaissance et baroque. Nous avons été reçus à la paroisse locale de l’Eglise des Frères Tchèques par des membres du conseil presbytéral dont Madame Eva Melmukova, une érudite passionnée et passionnante, professeur émérite d’histoire et membre de la Société Européenne d’Histoire du Protestantisme. Parlant très bien le français, elle nous a entretenu longuement de l’évolution du protestantisme en Bohême-Moravie et dans cette région et nous a accompagnés dans la visite de Telc et des environs, où les lieux de mémoire ne sont pas rares. 
En particulier, elle nous a fait découvrir, à quelques kilomètres de Telc, la bourgade de Velka Lhota, (où son fils est pasteur) une aire évangélique de tolérance, la seule commune dans les pays tchèques à posséder deux temples et deux presbytères protestants voisins (un luthérien et un protestant). Cette curiosité tenait au fait que l’Edit de Tolérance de l’Empereur Joseph II en 1781 ne fut pas proclamé publiquement et que les protestants de la région pensaient au départ que la confession luthérienne était la seule autorisée. Ce n’était que six ans après qu’ils apprirent la possibilité de pratiquer aussi la confession réformée. D’où la construction successive de deux temples qui, depuis 1918 (rapprochement luthéro-réformé), font partie de la même paroisse de l’Eglise Protestante des Frères Tchèques. L’un des deux temples comporte un musée consacré à la Réforme Tchèque et l’un des presbytères une bibliothèque avec des archives d’époque dont une très vieille bible, l’une des premières en langue tchèque. 
Après cette escapade historique sous une journée ensoleillée, nous sommes revenus en soirée à Jihlava où la famille du Pasteur Kerkovsky (sa femme Jana et leurs trois filles Tereza, Noemi et Eliska), les membres du conseil presbytéral et d’autres responsables de la paroisse nous attendaient pour une rencontre pleine de convivialité et d’échanges autour d’un buffet tchèque. Celui-ci fut arrosé d’une bière, non pas le fameux Pilsen national tchèque mais la bière de Jihlava. La brasserie locale se trouve en face du presbytère. L’approvisionnement en ce breuvage ne transitait donc pas par le supermarché mais se faisait directement dans des carafes remplies à partir des tonneaux de la brasserie. C’est çà aussi le rapprochement luthéro-réformé ! 
Le dimanche, le culte commençait à 10 heures. Le temple, de style néo-gothique datant de 1878, porte le nom de l’Apôtre Paul, mais en référence aussi à Paulus Speratus, un réformateur luthérien allemand, un des premiers prédicateurs luthériens dans le pays (1522-1523). Les cantiques étaient les mêmes que chez nous. On n’était nullement dépaysé ! Selon le programme convenu pour cette visite d’Auteuil en République Tchèque, la prédication était sur les textes du jour (Les Actes des Apôtres 5.27-41, Apocalypse 5.11-14 et Jean 21.1-19). Le Christ, mort sur la croix, est bien ressuscité. Un Christ qui nous fait désormais confiance et nous confie une mission, en dépit de nos imperfections et de nos reniements : annoncer la bonne nouvelle de la résurrection, nourrir les autres du pain de son Amour et des poissons spirituels de sa Parole. Ceci fut délivré en français avec une traduction alternée en tchèque par le Pasteur Kerkovsky dont la maîtrise du français est parfaite (grâce à des études effectuées à Strasbourg, renforcées par un séjour à Lausanne).  
Après le culte, le Pasteur Kerkovsky devait officier dans un second lieu à la campagne rattaché  à la paroisse de Jihlava. La délégation d’Auteuil, sous la houlette des jeunes de la paroisse, est allée pour sa part visiter le musée de la ville sis dans la vieille tour. Ensuite, une rencontre avec tous les paroissiens s’est tenue dans la salle de réunion où une présentation de l’ERF Auteuil et du protestantisme français a été faite, en anglais car Robert, le traducteur désigné, ne parle que cette langue. Ce fut l’occasion aussi pour nous de mieux connaître la paroisse de Jihlava qui compte 490 membres, avec ses différentes activités et entités. Ces échanges durèrent jusqu’au moment où il fallait se séparer pour reprendre le train vers Prague.  
Inutile de dire l’émotion et la joie suscitées par ces rencontres avec les sœurs et les frères tchèques de Jihlava et d’ailleurs qui nous ont entouré de la chaleur et de la simplicité de leur accueil. Bien évidemment, nous sommes convenus avec eux de poursuivre et d’entretenir les relations établies le temps d’un week-end. Epistolairement, par internet et plus, puisqu’il y a affinité. On s’est mis, par exemple, d’accord avec le Pasteur et le webmaster du site internet de la paroisse, Thomas Volf, un membre du groupe des jeunes, d’établir un lien entre nos deux sites internet. C’est un premier pas, il y en aura d’autres.  

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